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L'AFFOURAGEMENT EN VERT EST COHÉRENT MAIS PARFOIS COÛTEUX

Une autochargeuse réduit par deux le temps de travail, mais elle représente un investissement plus de sept fois supérieur et exige une puissance de traction plus élevée. PHOTOS © J.P.

L'affouragement en vert répond aux aléas d'un parcellaire morcelé et éloigné, mais selon le niveau d'investissement, il représente une charge de travail et un coût élevé.

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L'AFFOURAGEMENT EN VERT NE CONCERNE QUE 3 % des éleveurs bretons recensés au Contrôle laitier, « mais cette pratique connaît un net regain d'intérêt auprès des éleveurs confrontés à des agrandissements destructurants, réduisant l'accessibilité des animaux au pâturage, constate Gérard Losq, conseiller au pôle herbivores de la chambre d'agriculture des Côtes-d'Armor. Elle séduit également ceux qui, ayant choisi le robot de traite, veulent néanmoins conserver une part de vert dans la ration des laitières. » Ce regain d'intérêt s'explique aussi par la volonté de valoriser les couverts végétaux et de réduire le coût de la complémentation azotée dans les systèmes d'alimentation à base d'ensilage de maïs.

EN HIVER POUR VALORISER LES COUVERTS VÉGÉTAUX

Une enquête menée par la chambre d'agriculture de Bretagne, auprès de trente exploitations ayant recours à cette pratique, révèle que la durée moyenne d'affouragement est comprise entre cinq et six mois. Les fourrages distribués ont deux origines : les prairies pérennes et les cultures dérobées. La plupart des éleveurs interrogés utilisent l'association ray-grass anglais-trèfle blanc ou des graminées pures (RGH, RGA, fétuque, prairies permanentes). « Quelques éleveurs misent sur la luzerne pour sa résistance au déficit hydrique en été, souligne Gérard Losq. Mais cette pratique reste confidentielle en Bretagne où les terrains acides ne sont pas propices à sa mise en culture. » Parmi les dérobées implantées entre deux céréales, le ray-grass italien est plébiscité pour sa vitesse de croissance, sa précocité et sa souplesse d'exploitation. Mais l'utilisation de crucifères telles que le chou ou le colza est également rencontrée. Parfois associées au ray-grass d'Italie, elles sont notamment choisies pour leur résistance au froid et leur vitesse d'implantation. Cette spécificité permet à certains éleveurs de pratiquer l'affouragement en vert hivernal, même si les conditions météorologiques sont parfois un facteur limitant pour la fauche. Leur motivation principale est de valoriser des cultures rendues obligatoires par la réglementation pour réduire leur coût alimentaire. Ils consacrent en moyenne 40 min/j à l'affouragement. Ce temps comprend le trajet, la fauche qui représente 50 % du travail, la distribution et les opérations d'attelage et de dételage du matériel. Ils distribuent 4,5 kg de MS/VL/j et affichent un coût alimentaire de 79 €/1 000 l, légèrement en deçà de la moyenne régionale (83 €).

Dans la plupart des exploitations, le matériel utilisé est simple. La fauche est réalisée avec une ensileuse à fléau de type Taarup, « un outil présent traditionnellement dans les élevages bretons et souvent déjà amorti, indique Gérard Losq. Acheté neuf, c'est un investissement d'environ 4 500 € ».

UN TEMPS DE TRAVAIL DU SIMPLE AU DOUBLE

La distribution se fait avec une remorque distributrice, une simple remorque ou une remorque à râtelier. En revanche, pour certains éleveurs l'affouragement en vert est un vrai choix stratégique. Ils sont équipés d'une faucheuse autochargeuse, ou d'une barre de coupe frontale associée à une autochargeuse : des investissements qui peuvent s'élever jusqu'à 40 000, voire 50 000 €. La motivation principale de ces éleveurs est de valoriser un parcellaire éclaté en période estivale (printemps-été). Le temps d'affouragement est très variable : il oscille entre 20 min et 1 h 30 par élevage et par jour. En moyenne, le temps consacré à la distribution est de 50 min pour 73 UGB. « Plus que le nombre de bêtes à affourager, c'est le niveau d'équipement et lenombre de fauches quotidiennes qui est déterminant, souligne Gérard Losq. Les exploitations équipées d'une faucheuse-autochargeuse ou de barre de coupe frontale réduisent de moitié le temps de travail. On passe ainsi à 2,6 min/UGB/semaine, contre 5,6 min dans les exploitations équipées d'ensileuses à fléau. » Dans les élevages étudiés, les quantités d'herbe affouragées sont en moyenne de 5 kg de MS/j. Les rations d'été comprennent 6 kg de MS d'herbe affouragée. En période hivernale, elles sont composées essentiellement de maïs complété par 2,9 kg de MS de RGI ou de colza affouragé, 1,5 kg de MS d'ensilage d'herbe, 2,5 kg de correcteur azoté, 0,8 kg de concentré énergétique pour des rations équilibrées entre 95 et 100 g de PDI/UFL.

Dans ces exploitations, le coût alimentaire annuel est de 85 €/1 000 l, sensiblement le même que la moyenne régionale. L'écart sur le coût alimentaire varie néanmoins de 68 €/1 000 l chez les plus efficients, à 97 €/1 000 l.

PEU D'ÉCONOMIE SUR LE COÛT ALIMENTAIRE

« Les économies de coût alimentaire annoncées comme objectif ne sont pas toujours au rendez-vous. Toutefois, notre étude ne permet pas de savoir si ce coût alimentaire ne serait pas encore plus élevé en l'absence d'affouragement, compte tenu de la faible accessibilité au pâturage », nuance Gérard Losq.

Au regard de l'augmentation des dépenses énergétiques (fuel) et du temps de travail, l'affouragement ne doit donc se substituer au pâturage que pour répondre à des contraintes structurelles. « Un indicateur, que nous appelons le “coût nourrie-logée” et qui reprend les coûts d'alimentation, de distribution et de logement, a été calculé sur ces exploitations, indique Gérard Losq. Il est de 194 /1 000 l de lait pour le groupe, contre 185 pour les exploitations laitières bretonnes sur la même campagne, ce qui traduit un investissement plus important dans la mise à disposition de l'alimentation. Dans le détail, ce coût est de 191 pour les élevages utilisant une ensileuse à fléaux, contre 205 pour les utilisateurs de faucheuse autochargeuse. »

JÉRÔME PEZON

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